L'éloge de l'apocalypse
Chose
Sous la fripe et la crasse, un ventre incivil trotte
Au gré des grès, ingrats aux pieds grevés de crotte
Et de croûtes qui béent sur de banals bubons,
Croisant des yeux urgents et des pas pudibonds.
La complainte infinie des phalanges mendiantes
S’amuït au mur sourd, au monde insignifiante,
Et nul écho ne vient dérider les doigts gourds
(Au marché des repus, l’affamée n’a plus cours).
Dans un trou du trottoir, la chose, au soir, se terre,
Poussière passagère allant à la poussière,
Nulle et non avenue sur le rôle officiel
Ecrit par les tenants de la terre et du ciel.
Avis aux avortons nés aux boues de la ville :
Comme la gouttelette absurdement stérile
Sèche avant d’arriver à la fleur qui l’attend,
Ma pitié n’atteint pas cette main qui se tend.
Moi le nanti je n’ai pas de sœur en ces lieux
Qui puisse me toucher ni de frère pouilleux.
C’est le rat
« Au royaume du rat la haine est générale,
En le règne de l’homme on aime son voisin.
Le rat veille chagrin sur son grain de raisin,
L’homme offre à qui l’en prie sa huche et sa timbale :
Notre bonté nous met donc au-dessus du rat ! »,
Clamait un optimiste avant qu’on l’enferrât.
Ce niais reniait nos ordres scélérats :
« Tes frères voleras, violeras et tueras ! »
Jamais on ne vit rat meurtrir dans la campagne,
Pour la raison qu’il fût d’autre poil que le sien,
Son pareil en l’espèce ou, pour grossir son bien,
Egorger dans la nuit son fils ni sa compagne.