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Les chroniques de Froissart 
 
 
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Chroniques puantes

Je suis le Réceptacle, et j’accepte l’abject.  
 
Frêle en cette trop calme école, appliquée par devoir, Obéissante sans plaisir mais avec discipline colorie lentement les poutres calcinées du toit de sa maison. 
La mine vient, la mine va. 
Le trait fatigue et puis reprend. 
L’œil distrait papillonne et butine l’idée sur l’œuvre du voisin. 
Aucun thème imposé dans la consigne négligée : pourtant tous les dessins sont de même facture. 
La même maison matricielle occupe gauchement le centre de la page, avec sa façade éventrée, et la ceignent semblablement quelques cadavres sans yeux du cœur desquels jaillissent de petites fontaines rouges.  
Jaunes pourtant toujours sont les soleils en haut comme de grands oursins qui dardent leurs piquants sur un monde insensible. 
 
Je me reporte à l’événement. 
 
Cette petite fille qui sans se plaindre s’ennuie connaîtra dans un instant dans sa tranquille classe une atrocité digne de mon espèce, m’annoncé-je avec un vilain rictus en rallumant l’écran flottant errant sur la rouge tapisserie du temps.  
 
Je suis le Tisonnier. 
 
La tâche m’est aisée : les loups par cent media se font le compte détaillé de leurs exploits sanglants, s’en gorgent s’en repaissent s’en délectent goulûment : 
 
Le vendredi 3 septembre, la prise d'otage de l'école de Beslan connaît un dénouement dramatique. Depuis le mercredi précédent, un commando protchétchène retenait en otage un millier de personnes, exigeant notamment le retrait des troupes russes de Tchétchénie. Et voilà que les forces russes mènent un assaut soudain et non planifié dans l'école. Le tout se termine dans un bain de sang : plus de 300 personnes sont tuées, et plus de 700 autres sont blessées. Selon la version officielle, les forces de l'ordre ont été contraintes de mener cet assaut, après plusieurs explosions et un début de fusillade, lorsqu'un premier groupe d'otages s'est enfui du bâtiment.  
 
Je m’en fais Commentaire. 
 
Caustique : 
« Avec ces éléments 
Tu peux faire un roman 
Un récit expiatoire  
Une juteuse histoire ! »  
 
Journalistique : 
 
« Interminable attente, avant l’assaut de l’école de Beslan, le 3 septembre 2004. » 
 
Grammairien, le binocle studieux :  
« La phrase est nominale et anonyme, et néanmoins circonstancielle, et très apéritive. » 
 
Psychosociocuculologue : 
« Du non écrit naît le désir du voyeur. » 
 
Analyste du discours : 
« Qui dit ? 
Qui va faire ? 
Qui va là ? 
Quoi ? » 
 
Injonctif, indexant la photographie : 
« Vois ces trois uniformisés à l’affût, à l’aguet, à l’arrêt, au hutteau : leur doigt sur la gâchette a le même sens de gravité que la patte en instance en l’air du fox-terrier ! » 
 
Pensif : 
« Que l’échine kaki pue d’animalité. »  
 
Technicien :  
« La photo sur le web est lourde exactement de vingt kilos d’octets. » 
 
Désabusé : 
« Quel poids pèsera-t-elle aux consciences des hommes ? » 
 
Neutre : 
« Deux puissantes explosions, suivies de tirs nourris des deux côtés, ont été entendues, vendredi 3 septembre 2004, en milieu de journée, dans la zone de l’école occupée par les preneurs d’otages à Beslan. » 
 
Scolairement récitatif : 
« Les enfants de Beslan sont sauvés par les troupes russes.  
Les enfants de Beslan sont sauvés par les troupes russes. 
Les enfants de Beslan sont sauvés par les troupes russes. 
Les enfants de Beslan sont sauvés par les troupes russes. 
Les enfants de Beslan sont sauvés par les troupes russes.»  
 
Digressif, l’œil amusé : 
« Qu’est léger le pensum à l’ère du copier coller ! » 
 
Antiphrastique et parodique: 
« L’ordre enfin règne en Ossétie. » 
 
Rapide et monocorde : 
« Les deux explosions, d’origine encore inconnue, ont eu lieu à 5 secondes d’intervalle. Elles ont été immédiatement suivies de tirs nourris d’armes automatiques. Des membres des forces spéciales russes ont vivement reculé, alors que les tirs se poursuivaient. » 
 
Poète : 
« Cette prison s’orna sur une vitre sauve 
Soudain d’une pivoine, une fleur de guimauve 
Là violemment plaquée par le souffle d’un dieu : 
La cervelle éclatée d’un angelot du lieu. »  
 
Un groupe d’otages s’est échappé de l’école 
Titre à penser. 

(c) Patryck FROISSART - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 1.01.2006
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