Le Mauricien du 8 juin 2006
Mondial
Article paru dans Le Mauricien du 8 juin 2006
Pas foot, les mecs !
Pendant le mois qui vient, toute l'île sera envahie par le football. Toute? Non: une poignée d'irréductibles, des mecs d'exception, pas fous de foot malgré les clichés, continueront à résister à la déferlante Mondial . "Anti-foot " ou " indiff-foot ", Patryck, Firoz, Pascal et Claude, vivront du 9 juin au 9 juillet un mois sans football. Comme d'habitude.
Les clichés ont la vie dure. Le foot serait un "sport de mecs", viril et dur, que pratiquent et que suivent des hordes de fans qui délaissent leurs compagnes pour des "troisièmes-mi-temps" et qui se font servir bières et "gadjacks" par bobonne, devant la télé… Pourtant, ces dames et demoiselles s'intéressent au foot depuis des années, c'est connu. Et des mecs pas foot du tout, ça existe aussi.
" Le foot est un sport de primaires ", lance l'artiste mauricien Firoz Ghanty, " Il est le catalyseur des instincts les plus primaires, avec la violence des joueurs et des spectateurs. Il y a aussi toute la dimension financière, les magouilles, qui me révulsent ! " Cet " anti-foot " pur et dur, âgé d'une cinquantaine d'années, a pratiqué du sport pendant ses années de collège… mais jamais de football.
Cette appropriation du sport par le -big - business est une des choses qui rebuttent aussi Patryck Froissart, recteur de l'Ecole du Centre, et Claude, jeune Mauricien amateur de sport. Le premier a joué au foot pendant l'enfance et l'adolescence, comme tous les garçons. "Mais quand j'ai pu comprendre ce qu'il y avait autour des compétitions, j'ai été écœuré", affirme-t-il. Un point de vue qu'a déjà exprimé, de sa propre plume, cet auteur de plusieurs recueils de poésie (voir hors-texte).
Beau geste
Claude, également dégoûté par le cirque footballistique, n'en est pas moins un admirateur du beau geste… même en football: " Il y a une harmonie qui se dégage d'un superbe tir, d'un contrôle judicieux, d'une passe millimétrée, d'un coup franc qui fait d'un ballon un missile à tête chercheuse. " Mais la récupération mercantile, ajoutée à l'attitude des fans aveuglés par leur passion débridée, c'est décidément trop, beaucoup trop pour Claude…
Pascal, lui, pouvait difficilement échapper à la fièvre des stades, pendant ses années de collège: ce Français vivant à Maurice avec son épouse Marion, de même nationalité, a grandi dans une petite ville près de…St-Etienne. Il fréquentait encore le lycée dans cette région au milieu des années 1980. Pourtant, l'idôlatrie des Verts ne l'a pas emporté. Cet ex-sportif qui a touché à plusieurs disciplines, passe encore aujourd'hui ses journées et ses soirées loin du foot, par indifférence. Même s'il peut difficilement éviter d'en entendre parler et d'en voir à la télé.
Car madame - à qui son père a innoculé le virus du ballon rond - suivra les matches pendant le Mondial. Comme elle le fait d'habitude, surtout pour les rencontres de championnat anglais. "Mais je regarderais sans doute seulement l'équipe de France en direct", dit-elle. Pour les autres, ce sera l'enregistrement et le visionnage plus tard. Et Pascal, pendant ce temps-là, gardera ses habitudes: un bon livre, un peu de temps sur ordinateur. Mais si la France atteint une phase intéressante de la compétition, il se mettra peut-être devant la télé pour suivre le match…
Faire du sport, pas avec la bouche et les yeux
Et Claude? "J'aurai des choses plus importantes à faire que de m'asseoir comme un idiot sur un fauteuil à stresser pour rien en faveur d'une équipe et de joueurs qui n'ont que faire de moi." Par exemple, passer du temps avec la famille et continuer à travailler; "continuer à faire du sport, pour de vrai, pas comme certains avec la bouche et les yeux". Donc de quoi "ne pas tomber dans l'absurde et confondre folie du plus grand nombre et juste mesure des êtres et de choses."
Malgré toute la volonté du monde, il sera sans doute difficile de ne pas être pris dans les conversations et le matraquage télévisuel autour du Mondial, dès demain… Pour les "indiff-foot" et les "anti-foot", ce sera l'impasse ou l'indifférence aussi devant les résultats.
Plus dur: ce seront aussi des réactions claires et aussi polies que possible pour faire comprendre aux fans insistants que le Mondial, ça ne les intéresse pas; mais alors là, pas du tout, ces mecs pas foot!
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Us de Terre
Au hasard d'un voyage à la planète aux singes,
Un cirque m'abrutit tant l'œil et les méninges
Que je peine à traduire en crédibles quatrains
Tant les faits que l'effet que fit sur moi ce train :
Sur une aire habillée d'une herbe égale et dense,
Vingt simiens étaient pris d'une erratique danse
Au vol d'un objet rond, cursif et bondissant
Qu'ils frappaient tour à tour d'un coup de pied puissant.
Tout autour secoués d'absconse exubérance,
Hennissant empoignés dans une transe intense,
Déliraient par milliers sur d'immenses degrés
Leurs furieux sectateurs à l'hystérie livrés.
Quand un sifflet mit terme à cette malséance,
Une aveugle avalanche envoya l'assistance
Aux pavés du faubourg que, troupeau tournoyant,
De plus en plus démente, elle investit, brayant.
Je crus être atterri dans la honteuse enceinte
Où des individus à la raison défunte
Fussent tenus captifs, et, qu'en tous autres lieux,
Ce peuple primitif eût des us plus précieux.
Mais où que je courusse en leurs rues déroutantes,
D'érosives ruées, des crues déliquescentes
Charrièrent si souvent ces rustres instinctifs
Que je leur tus nos voies et repris mon esquif.
De ce peuple imparfait pour la cosmique alliance
Je détournai ma cure, et réservai ma science
A des êtres pensifs, paisibles, et gracieux,
Aspirant au vol lent des beaux esprits spacieux.
Poème de Patryck Froissart publié dans un de ses recueils et reproduit ici avec son autorisation
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