La "réforme" Gokhool
Article empli d'humour féroce contre la réforme décidée par le ministre mauricien de l'éducation.
Paru dans Le Mauricien du 2 mars 2006
Pour notre élite
Il en faut encore plus !
Je suis absolument d'accord avec M. Tengur : la compétition aidera à créer une nation intelligente.
Plus la compétition sera intense, plus elle contribuera à notre pays de sortir du gouffre qu'est la globalisation.
Mais je suis plus exigeant que M. Tengur : pourquoi attendre que les enfants aient onze ans pour déterminer l'élite ?
Pourquoi pas à cinq ans quand l'enfant fait ses premiers pas à l'école ?
Mettons donc en place un système qui permette de sélectionner les 1 260 élèves qui seront admis, dès l'âge de cinq ans, dans des National Schools. Pourquoi faire perdre six ans - du Standard One au CPE - à notre élite, les contraindre à s'asseoir auprès de 28 000 élèves de deuxième grade ?
En faisant un tri dès cinq ans, nous permettrons aux membres de l'élite - 1 260 à chaque promotion ! - de gagner six années précieuses. Ainsi, nous pourrions créer des super-élites et une nation super-intelligente.
Quoi de mieux ?
Qu'on ne vienne pas me dire que l'âge de cinq ans n'est pas propice pour opérer une sélection, à moins qu'on me prouve que onze ans est, par contre, l'âge idéal…
Une fois la sélection faite, toutes les ressources disponibles devront être dirigées pour peaufiner cette élite. Par exemple, la MBC pourra programmer des émissions qui aideront l'élite à être encore plus performante.
Finies les émissions comme Hum Bhi ou k-danse, les longs métrages, les programmes sportifs, Voisin Voisine, Kyon ki saas, les débats parlementaires à l'Assemblée nationale - exemple de crétinisme lamentable - etc…
Des émissions qui constituent des pertes de temps…
Au lieu d'inviter les gens du show business - Vinod Rathod, Sonu Nigam, Francis Cabrel - invitons les génies - Bill Gates ou des récipiendaires du Prix Nobel et du Goncourt. Imaginons un Bill Gates donnant une conférence à notre élite de cinq ans.
Etre sélectif
Oh ! Mon Dieu ! Je tremble de joie en pensant à cette nation super intelligente que nous allons créer.
Des milliers de Bill Gates, à faire pâlir d'envie les autres nations…
En ce qui concerne les matières, alors là, il s'agit d'être particulièrement sélectif ! Les maths, les sciences, l'économie, la géographie et l'informatique. Ne perdons pas de temps avec l'éducation physique ou l'histoire : qu'a notre super élite à gagner d'apprendre ce qu'ont fait SSR, De Plevitz, Anquetil, Curé etc ?
Et les langues orientales ?
Etant donné que M. Tengur propose une élite qui irait travailler à l'étranger où elle pourrait toucher avoir gros - en France, en Angleterre et aux USA - je crois que l'anglais ou le français seront plus conformes aux aspirations des membres de notre élite. Pourquoi apprendre les langues orientales étant donné qu'elles sont utilisées dans des pays où le travail ne rapporte pas gros ?
Quant à la culture et les valeurs humaines, n'en parlons plus… Ce sont là des choses qui empêchent de se consacrer à l'essentiel…
Mais il y a un hic. Il se peut que dans une famille, à l'heure de la sélection, un enfant passe et l'autre échoue d'un demi-point…
Dans cette famille, il y aura donc un membre de notre élite et un enfant de deuxième grade. Ne croyez-vous pas que si l'élite côtoie son frère ou sa sœur de deuxième grade, cela pourrait avoir un effet néfaste ?
Peut-on décemment laisser nos 1 260 membres de l'élite de chaque promotion risquer d'être influencés par 28 000 classés deuxième grade dans la vie de tous les jours ?
Et les parents, s'ils sont eux-mêmes de deuxième grade ?
Je n'ai pas de solution, mais je suis sûr que M. Tengur saura nous éclairer…
J'ai, par contre, une autre préoccupation. La formation de l'élite dépendra de l'apport des instituteurs, qui ont tout à gagner, selon M. Tengur, en acceptant la réforme Gokhool.
Moi, je ne le crois pas. Seuls les instituteurs de quatrième, de cinquième et du CPE pourront toucher le pactole que représentent les leçons particulières.
L'instituteur de Standard I, II et III ne bénéficiera de rien du tout.
Même chose pour les enseignants, ceux des Forms I, II et III.
Compétition
Je propose ceci : une fois la sélection faite, à l'âge de cinq ans, on adopte une compétition à outrance. Ainsi, à la fin de chaque année, du primaire au secondaire, on fait un examen pour établir un rigoureux streaming, ce qui permettra de diriger les élèves dans des classes appropriées, A, B et C, etc.
De cette façon, tous les enseignants, du primaire au secondaire, de toutes les classes, pourront bénéficier du pactole.
On pourrait me demander : et pour les profs des 28 000 élèves de deuxième grade ?
Bof… est-ce que des profs de deuxième grade méritent vraiment notre attention ?
Ignorons-les…
On a mieux à faire.
L'élite, c'est autrement plus important.
Mais j'ai un petit souci : après leur HSC, les membres de notre élite iront à l'étranger pour des études. Généralement, ils vont en Angleterre, en France, en Australie et, dans un moindre degré, en Inde.
Ma question : est-ce qu'il y a une compétition qui détermine qui seront admis dans ces universités ou bien sont-elles ouvertes à tout le monde, c'est-à-dire à n'importe qui ?
Autant que je sache, il n'y a pas de compétition dans ces pays. Les membres de notre élite risqueront de se perdre parmi ces étudiants de deuxième grade venant de plusieurs pays qui seront admis dans ces universités.
Et notre ambition visant à faire de notre pays une nation super intelligente sera tout simplement réduite à néant !
Il faut prendre les décisions qui s'imposent, M. Gokhool.
Ramener l'âge de la sélection de onze à cinq ans
Mettre toutes les Resources disponibles à l'épanouissement de cette élite
Faire un choix intelligent en ce qui concerne les matières
Trouver une solution à la proximité d'un membre de l'élite avec des parents de deuxième grade et d'une société de paresseux
Trouver un moyen d'augmenter les leçons particulières pour les enseignants
Déterminer un moyen afin que notre élite ne se mélange pas avec les étudiants de deuxième grade dans des universités étrangères.
Le temps presse, M. Gokhool.
L'avenir de notre pays en dépend.
M. Tengur, qui je le sens, est un membre de l'élite, vu la profondeur de ses récentes déclarations, pourra vous aider.
Un élu et un membre de l'élite devraient bien pouvoir s'entendre, non ?
A. Auchayber